Le Front National, ou l’éloge du surréalisme

C’est l’information la plus surréaliste qu’est produite la politique, mettons depuis… Clovis. Réuni en instance disciplinaire, le Bureau national du Front national jugera, le 20 août prochain, son président d’honneur-fondateur-inspirateur-guide-mentor: Jean-Marie Le Pen en personne.

Les dirigeants actuels du Front national, autrement dit Florian Philippot et les autres, reprochent à Jean-Marie Le Pen d’avoir, dans le désordre, 1/ dénigré sa petite fille, Marion Maréchal Le Pen, en expliquant qu’elle était trop jeune pour diriger la région où elle est elle même candidate pour les élections de décembre; 2/ manqué au respect dû à la présidente de sa formation en expliquant qu’elle n’était pas digne de porter son nom; 3/ porté atteinte à la dynamique électorale du Front national en répétant que, selon lui, les chambres à gaz de la seconde guerre mondiale était un point de détail de l’histoire; 4/ d’avoir jeté le trouble dans l’opinion en affirmant que Pétain, le maréchal collaborationniste, n’était pas le mauvais bougre que désignent les vainqueurs du conflit.

Partons de ce dernier point pour mettre en valeur le surréalisme canaille dans lequel se vautrera le Bureau politique du Front national le 20 août prochain.

– M. Jean-Marie Le Pen, vous avez participé à à la création du Front national en 1973. Affichiez-vous déjà je forme d’indulgence coupable envers le maréchal Pétain?

  • Oui, madame la présidente.
  • Avez-vous conscience de la gravité de votre aveu?
  • Ouii, madame la présidente. Mais, ceci pour alléger mon fardeau: je ne l’ai jamais caché.
  • Eh bien, nous ne l’avons jamais entendu…
  • Et je ne suis pas le seul marechaliste au Front national.
  • Nous n’en connaissons point d’autre.
  • Je pourrais vous en présenter.
  • Point suivant: persistez-vous à dire que les chambres a gaz ne sont qu’un point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale?
  • Je persiste, oui… Mais cela, convenez que vous m’avez souvent entendu le dire.
  • J’en conviens.
  • Je l’ai dit une première fois en 1987, puis j’ai été candidat à l’élection présidentielle, avec votre soutien actif, en 1988, 1995, 2002 et 2007.
  • Bien sûr, mais cela n’a rien à voir.
  • J’imagine que si cela vous avait aussi profondément choqué, vous ne m’auriez pas soutenu pour cette élection majeure.
  • Il est possible que non.
  • Donc, pourquoi donc me reprocher aujourd’hui quelque chose qui vous paraissait bénin hier?
  • Passons au point suivant. Vous avez déclaré que votre petite fille Marion n’était pas assez expérimenté pour diriger, en cas de victoire, la région PACA ou elle s’est portée candidate. Pourquoi avez-vous déclaré cela?
  • Parce que je le pense.
  • Pourquoi le pensez-vous?
  • Parce qu’elle n’a que vingt-cinq ans, et aucune expérience de l’action publique, ce qui me paraît être un problème pour diriger une collectivité locale de cette importance.
  • Donc, vous ne voterez pas pour elle?
  • Je n’ai pas dit cela.
  • Donc, vous voterez pour elle?
  • Probablement, oui.
  • Convenez-vous que ceci est incohérent.
  • J’en conviens. Aussi incohérent que ma présence, ici, devant vous, aujourd’hui.
  • Seriez-vous d’accord pour évacuer de notre discussion le dernier reproche qui vous est fait, à savoir que je ne serai pas digne de porter votre nom?
  • Cela dépend. Ce qui précède suffit-il à la condamnation, voire à mon exclusion du Front national?
  • Cela suffit amplement, je vous l’affirme.
  • Alors, évitons d’évoquer ce dernier point.
  • Je vous remercie, monsieur Le Pen.
  • Je vous remercie, madame Le Pen.

Et c’est ainsi que se terminera la farce politique la plus surréaliste du XXIème siècle qui en est, il est vrai, qu’à son début.