Sur les propos de Maitena Biraben…

Ainsi donc, c’est sur le plateau du « Grand Journal », dénoncé naguère par Eric Zemmour comme l’épicentre de la pensée bobo, qu’auront été prononcées des phrases tranchées assurant que « les Français » accueillaient le discours du Front national comme celui de la vérité vraie. Ce qui a valu au même Grand Journal d’être soutenu par ceux la même qui l’ont toujours détesté, dirigeants du Front national en tête, au nom de la lutte contre la « bien pensance » et autres concepts aussi fumeux que risibles.

Une fois passée la vague de la polémique, il peut être utile d’analyser la posture, la nature et les effets des propo tenus par Maïtena Biraben, jeudi soir 24 septembre, sur le plateau du Grand Journal

Par ses propos sans nuances ni réserves sur les caractéristiques du discours du Front national, l’animatrice a fait voler en éclat la protection dont jouit généralement le présentateur d’une émission de télévision. De médiatrice, elle est d’un coup passée au statut d’actrice, avec une opinion tranchée sur un discours controversée.

En imposant aux téléspectateurs un changement aussi violent de positionnement, plutôt par maladresse que par militantisme, cela paraît évident, elle ne pouvait que susciter l’incompréhension et la critique. Ce dont elle n’a pas paru consciente, vingt-quatre heures après, en livrant un propos entortillé sur la forme et sur le fond, s’empêchant ainsi de réparer les dégâts causés.

Fussent-ils maladroits, répétons-le, les propos de Maitena Biraben ne peuvent être tenus pour anodins. Voilà des années que la société française débat du Front national et de sa nature: parti ordinaire ou pas? Fréquentable ou pas? Diabolique ou pas?

C’est dans ce débat à fort enjeu pour l’avenir de la démocratie française, qu’a déboulé soudain, et sans crier gare, Maitena Biraben. En associant Front national et vérité, elle a tranché à sa manière une question qui taraude la société depuis des lustres. Outre son illégitimité à le faire, s’ajoute la violence de la manière. Et là encore, l’animatrice de Grand Journal ne paraît saisir ni la gravité de ce débat, ni la fragilité de sa situation, quand elle conseille, le lendemain, la décontraction à ceux qui la critiquent.

Il ya enfin le lieu d’où parle Maïtena Biraben. A tort ou à raison, Canal Plus a toujours été repéré dans la société française comme l’incarnation de la culture oppositionnelle au discours du Front national. Dire alors depuis le plateau de l’émission phare de la chaîne que ce discours est un discours de vérité revient à bouleverser l’état des choses, à effacer les repères, et celà uniquement au détriment de Canal Plus. Il est d’ailleurs étonnant de constater à ce propos le silence des dirigeants de la chaîne, probablement tétanisés par le maelström dans lequel les plonge leur animatrice vedette.

Le bilan, finalement, apparaît cataclysmique. Faute de regrets clairs de la part de l’animatrice, tout paraît brouillé: l’image de Maitena Biraben, celle de l’émission, celle de la chaîne. Et quand l’image est brouillée à la télévision, c’est quand même très mauvais signe.