Francois Hollande, le président du tout et de son contraire

Déconstruire le discours politique est une activité ludique et nécessaire dans une démocratie. L’exercice permet de traquer les mensonges et les non-sens, de repérer les non-dits et les mensonges, et parfois tout simplement, de constater le creux et la boursouflure. C’est le cas, justement, avec les propos tenus par le président de la République, le jeudi 10 mars 2016.

Le chef de l’Etat visitait une « entreprise innovante » de je-ne-sais-pas-quoi à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, dans l’après midi de ce jeudi. Evidement, les caméras, micros et stylos présents guettaient essentiellement les propos présidentiels sur le conflit en cours autour du projet de loi réformant le code du travail. Et Francois Hollande a répondu à leurs attentes en posant les bornes du débat qui se déroule actuellement autour de la réforme du code du travail.

Pas question de retirer le texte, a-t-il dit, mais, a-t-il ajouté, « il u aura forcément des corrections à établir. »

La phrase est un savant balancement qui peut, au choix, ne contenter personne ou mécontenter tout le monde. Ou bien encore, laisser espérer chacun ou susciter l’intérêt de tous.

La CGT et Force ouvrière, par exemple, réclament un retrait du texte. Certes, les deux centrales syndicales peuvent être déçues puisque, le président l’a dit, le texte ne sera pas retiré. Oui, mais en même temps, des « corrections » seront « forcément » apportées.

Si les « corrections » sont substantielles, conséquentes, significatives, ceux qui demandaient le retrait du texte seront contents puisqu’à défaut d’être retiré, le texte modifié pourrait n’avoir qu’un lointain cousinage avec le texte présenté.

Oui mais attention, car à ce moment là, ce serait Manuel Valls qui risquerait d’être fâché: avec les « corrections », ce serait un bout de son autorité qui s’en irait. En même temps, comme on ne connaît pas l’ampleur des changements envisagés, le premier ministre peut légitimement penser que l’essentiel est préservé puisque le président vient de dire que le texte ne serait pas retiré.

Au fond, ce qu’établit clairement la phrase du président, c’est sa façon de gouverner. Le plus souvent, et les exemples abondent, il s’exprime de telle manière qu’il ne dit rien. Ou pour le dire de manière plus sophistiquée, il s’exprime de telle façon que deux personnes en désaccord peuvent se sentir chacune confortées par le propos présidentiel.

Très souvent, de multiples articles de presse ont déjà rapporté ce fait, des interlocuteurs qui sortent du bureau présidentiel ont le sentiment d’avoir été entendu, c’est banal, écouté, c’est beaucoup mieux, mais surtout d’avoir convaincu le chef de l’Etat. Ce sentiment, ils le retirent généralement de deux ou trois phrases complexes qui signifient une chose et son possible contraire.

S’engager sans se mouiller, voilà la méthode présidentielle. Souhaiter le beau temps pour ceux qui le réclament et la pluie pour ceux qui la désirent. C’est le talent de Francois Hollande, un talent rare, assurément.

Citons, à titre d’exemple, ce chef d’œuvre, façonné le 11 février dernier, sur les plateau de TF1 et France2, à propos du futur-ex aéroport de Notre-Dame-des-Landes:

« Il faut prendre une décision (…) nous organiserons un référendum. »

Sacré tour d’esprit, tout de même, que de dire dans un même souffle qu’une décision est prise et qu’elle consiste à demander à d’autres de la prendre.

Toujours ce jeudi après-midi, le président de la République a résumé d’une phrase la philosophie du texte qu’il défend mais qu’il corrige:

« Nous voulons donner plus de souplesse pour les entreprises et plus de sécurité pour les salariés. »

Donner « plus » à tout le monde est sûrement un fantasme, mais jamais, et surtout pas en politique, une réalité.

Des phrases de ce genre nous renseignent-elles sur la psychologie actuelle de François Hollande? On pourrait le croire. Avant de se mesurer à la fonction, il se voulait un président « normal ». Depuis quatre ans, éreinté peut-être par la dureté des temps, il paraît s’enfermer dans un monde singulier en se décrivant plutôt comme le président de ses rêves.