Jean-Luc Mélenchon ou l’esprit de Munich face au terrorisme

Le débat se poursuit, en France, sur le terrorisme et les moyens de le combattre. C’est dans le cadre de ces échanges que s’est exprimé, le dimanche 27 mars, Jean-Luc Mélenchon, candidat à l’élection présidentielle 2012 et déjà postulant pour l’édition 2017. Voici, tels qu’il les a prononcé sur Canal Plus, ses propos sur le sujet:
« Si on arrête la guerre là bas [en Syrie], il est vraisemblable que les attentats cesseront. »

« La guerre que nous menons là-bas se prolonge ici. Voilà. Ça c’est un fait acquis, tout le monde le sait. »

« Nous avons donc un ennemi que nous bombardons là-bas et qui, ici, trouve des gens pour mener des opérations de commando. Nous sommes dans un état de guerre dont le principe de base est l’action imprévue et on ne peut pas savoir où on va être frappé. »

Peu de responsables politiques – et à ma connaissance même aucun, mais on ne connaît jamais tout – avaient jusqu’ici établi un lien aussi étroit entre les opérations militaires menées en Syrie par la France au sein de la coalition, et les attentats qui se sont produits sur notre territoire. Pour cette raison, les propos de Jean-Luc Mélenchon se distinguent de la masse des commentaires et méritent donc d’être déconstruits.

Il faut d’abord noter que le candidat à l’élection présidentielle n’appuie son raisonnement sur aucun fait précis, déclarations ou prises de position des dirigeants de Daech. Sa prise de parole est une hypothèse: oui, les attentats cesseront si nous stoppons les bombardements, mais l’utilisation du « mot » vraisemblable » montre que lui-même n’en sait rien et qu’il formule sa proposition au doigt mouillé.

Il y a ici un premier motif d’étonnement. S’exprimer avec autant de légèreté, sur un sujet aussi grave, quand on postule à la fonction politique la plus élevée, vous situe à mi-chemin de la bourde d’amateur et de la faute professionnelle.

Tout de suite après, pointe le second motif d’étonnement. Jean-Luc Mélenchon a-t-il pris le temps de compulser, même sommairement, la masse de déclarations de ceux qui parlent au nom de Daech? Pour eux, la France est, si l’on peut l’écrire ainsi, au premier rang de la mécréance par les principes qui régissent sa vie sociale et démocratique, qu’il s’agisse de la liberté individuelle, de l’égalité entre hommes et femmes, ou de la liberté d’expression. La nature même des attentats commis sur le sol français, ceux de Janvier contre Charlie-Hebdo, ceux de Novembre contre des consommateurs aux terrasses de café, ou contre des spectateurs d’un concert au Bataclan, dit clairement que du seul fait de son mode de vie, donc de son identité, la France est regardée comme une ennemie irréductible.

C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans son fanatisme, l’organisation islamiste ne réclame pas de manière nette et récurrente à la France l’arrêt de ses opérations militaires en Syrie. En réalité, Daech est indifférente à l’action de la France, ou de tout autre pays occidental, en qui elle voit, selon sa terminologie, un pays de « croisés ».

Dans ces conditions, faire dépendre l’engagement des forces militaires françaises au sein de la coalition des attentats qui se sont produits sur le territoire révèle une très faible capacité de jugement de la part de Jean-Luc Mélenchon, dans un domaine, precisement, qui constitue le coeur du mandat présidentiel auquel il postule.

Et puis, c’est le pire, de tels propos suscitent le malaise par l’opportunisme qui les motive. Si l’on écoute bien Jean-Luc Mélenchon, c’est la peur de nouveaux attentats qui doit guider la décision de l’exécutif concernant la stratégie militaire, et donc les choix essentiels de la politique extérieure. Autrement dit, nous devrions capituler devant la menace. Ceci est l’expression d’un esprit munichois, le pacifisme à tout prix, c’est à dire au prix de la honte, car l’histoire nous l’a appris, de telles capitulations, loin de les résoudre, aggravent les problèmes.

Ce qui est en cause ici, c’est l’expansion de l’islamisme radical. Daech aujourd’hui, Al Qaïda hier, méprisent les frontières, les Etats, les règles élémentaires de la vie internationale. Quand une organisation de ce type commence à s’organiser, à conquérir des territoires, voire à investir un appareil d’Etat, comme l’avait fait Oussama Ben Laden en Afghanistan, alors, c’est comme si le danger était instantanément à nos portes, porté par la folie meurtrière de cette idéologie et servie par la technologie qui abolit le temps comme les distances.

La menace est alors immédiate, puissante et proche. Sous peine de le payer très cher, aucun État, et en tout cas aucun État occidental, ne peut laisser se développer un tel danger et l’intervention militaire doit être rapide, précise, même si elle doit être réalisée loin de nos bases, ce qui en amoindrit évidemment l’efficacité.

Ne pas agir, demeurer passif, quelqu’en soient les raisons, c’est ne pas remplir cette mission première de protection qu’un Etat doit à ses citoyens. C’est ce raisonnement qui fonde et légitime l’intervention militaire française en Syrie contre Daech. Il en va de notre sécurité intérieure. Et de la même manière sera fondée demain toute action menée en Libye, ou sur d’autres point du globe, si elles ont pour but d’empêcher l’essor de l’organisation meurtrière qui prétend instaurer un Califat.

Ne pas comprendre cette vérité élémentaire, faire dépendre nos actions militaires lointaines et périlleuses d’une hypothétique trêve de la folie terroriste, c’est pour le moins mal évaluer la situation générale, la psychologie des adversaires et les intérêts de la Nation.

Quand en aussi peu de mots, on commet autant de fautes, comment peut-on demander au peuple français le droit de le diriger? Telle est la question que devrait se poser Jean-Luc Mélenchon, et que l’on pourrait aussi utilement lui poser.