Jean-Yves Le Drian, la candidature malheureuse

D’abord, les faits. Jean-Yves Le Drian, ministre de La Défense, a décidé d’être candidat à la présidence de la région Bretagne. Et il a obtenu du président de la République de conserver son poste ministériel le temps de la campagne électorale.

Maintenant, les questions. Pourquoi Jean-Yves Le Drian est-il candidat? Parce que sans lui, la défaite électorale des socialistes en Bretagne est assurée.

Comment qualifier sa campagne électorale? Compliquée, pour le moins. Imaginons que dans son déroulement, un grand meeting soit organisé à Rennes, vers la fin novembre. Dans ces circonstances, un grand meeting est un moment de rassemblement, de communion militante, qui galvanise des énergies et confère à la campagne une image qui peut être forte. Autrement dit, un tel meeting est un temps fort et essentiel d’une campagne.

Mais imaginons toujours, pas de chance, que le matin de ce grand meeting, des soldats français, sur l’un des multiples fronts sur lesquels ils se trouvent engagés, meurent à la suite d’un accident ou d’une bataille. Que fera le ministre? Participer quand même qu meeting serait indécent. Et ne pas y participer serait manquer à un engagement pris auprès des militants, des sympathisants et plus largement des citoyens.

‘Dire cela, c’est dresser un constat simple: dans sa fonction actuelle de ministre de La Défense, lourde et grave, Jean-Yves Le Drian n’a pas la disponibilité pour être candidat. Qu’il le soit quand même témoigne d’un manque de conscience de ce à quoi l’engage aujourd’hui sa fonction ministérielle.

Candidat à la présidence de la région Bretagne, que va faire Jean-Yves Le Drian? Première hypothèse: élu par les citoyens, il honore le mandat qu’il a sollicité. Et donc, il démissionne de son Ministere.

Cette démission là, disons le nettement, serait une désertion. La France mène aujourd’hui des actions de guerre dans des territoires lointains et dangereux. En poste depuis trois ans, Jean-Yves Le Drian a la mémoire et la connaissance de ces actions. Il est, à sa place, un rouage important de cette action qu’il mène au service de la République et de ses idéaux, et l’abandonner maintenant, en dehors de toute obligation politique sérieuse, remaniement ou alternance, ressemblerait à un accommodement personnel singulièrement égoïste.

Deuxieme hypothèse: Jean-Yves Le Drian refuse, après un scrutin victorieux, de siéger à la présidence qu’il convoitait et choisi de demeurer ministre.

La situation, là, serait parfaitement scandaleuse. Si l’on brigue une fonction élective et qu’ensuite on ne l’exerce pas, c’est une tromperie vis-à-vis des citoyens. Il n’y a qu’un moyen d’éviter l’écueil: c’est de dire lors de la déclaration de candidature ou très tôt durant la campagne que l’on n’a pas l’intention de briguer le mandat pour lequel on se présente. Mais ceci serait tellement ridicule que c’est inimaginable. Le plus probable, dans cette figure politicienne, serait que Jean-Yves Le Drian entretienne le plus longtemps possible sur ses intentions réelles et ne les dévoile, s’il peut tenu jusque là, qu’après le scrutin.

Ainsi donc, candidat à la présidence de la région Bretagne, Jean-Yves Le Drian a le choix entre la désertion ou la tromperie. Il pourrait bien sûr s’épargner des différentes infamies en annonçant que finalement, tout bien pesé, il renonce à être candidat. Mais ceci serait méconnaître la force de la politique politicienne qui trop souvent, sinon toujours, triomphe du simple bon sens et même parfois de la droiture élémentaire.